À côté de la track by Karine Glorieux

À côté de la track by Karine Glorieux

Auteur:Karine Glorieux [Glorieux, Karine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Littérature québécoise
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2023-04-20T14:54:47+00:00


15.

Le lendemain, il faisait un soleil radieux et, malgré mon mal de bloc et mes courbatures, je me suis levée un peu plus rapidement que d’habitude. Chez moi, je m’étais habituée à flâner longtemps dans le lit le matin. Avec l’arrivée de Greg, ce petit rituel avait empiré : tous les matins, j’épiais les bruits de mon coloc en refaisant le film de ma vie, histoire de bien gratter les bobos de mes expériences passées pour les faire saigner, je pensais à mes mauvaises décisions récentes, à mes enfants qui me manquaient, à Nico que je détestais, à mes larmes qui ne servaient à rien. Puis, crinquée à bloc, j’essayais ensuite de me rendormir. En vain – évidemment.

Là, dans cet atelier rempli d’urnes funéraires, couchée dans un futon qui me rappelait, justement, plusieurs expériences passées pas trop réussies, j’avais plutôt envie de bouger.

J’avais passé une drôle de nuit, entourée de ces mini tombeaux. Aux alentours de trois heures du matin, ma vessie m’avait réveillée. Constatant que l’atelier n’était pas doté d’une salle de bain, j’avais jonglé quelques secondes avec l’idée de faire pipi dans une urne, avant d’opter finalement pour l’herbe un peu jaunie de la cour. Valait mieux vider ma vessie contre une haie de cèdres que de risquer de déranger mes hôtes. Au retour, j’étais bien réveillée, encore pétée, et tourmentée par toutes sortes de questions sans réponses concernant la vie, la mort, le sens de tout ça.

De quoi allais-je mourir, moi ?

Peut-être que je mourrais stupidement, étouffée par un petit bout de carotte pris dans ma trachée… Une mort ridicule, qu’on ne pourrait évoquer autrement qu’en se retenant pour ne pas rire.

Mais je ne voulais pas penser à ma propre mort. Ni à celle des autres.

J’étais terrorisée par la mort, depuis toujours. Enfant, quand on passait devant un cimetière, je fermais les yeux. Je n’ai jamais été du genre à visiter ces lieux pour leur charme romantique, à part en Italie – mais c’était surtout pour échapper aux commentaires salaces des hommes. Même à la mort de mon grand-père préféré, j’avais trouvé un prétexte pour ne pas aller aux funérailles. Je ne voulais pas affronter le corps sans vie de cet homme qui m’avait gavée de Carambar durant mon enfance. Ça tombait bien, un océan me séparait du jugement de ma grand-mère. Je m’en étais tirée sans trop de culpabilité.

Est-ce que mes enfants et mes petits-enfants se sauveraient, le jour de mes funérailles ? Et si je mourais demain ? Qui viendrait me dire adieu ? Quels discours tiendraient mes proches au salon, face à mon cadavre avec son petit bout de carotte invisible encore pris dans la gorge ? Quels exploits pourraient-ils bien célébrer, quel fait marquant ?

Je n’en voyais aucun.

Je n’avais pas eu le temps d’accomplir de grandes choses.

Même en courant.

Pourtant, j’avais fait ce que j’avais pu. Mais… les journées filaient trop rapidement. Combien de fois est-ce que je m’étais arrêtée, après avoir déposé des clients à l’hôtel ou dans leur nouvel appartement de luxe,



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